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    Le ciel en cette fin d'avril était vraiment beau. Aucun nuage ne le recouvrait. À cette époque de l'année, les cerisiers étaient en fleurs, les oiseaux chantaient et les gens étaient heureux d'avoir échappé à la mort de l'hiver. 

    Ça faisait déjà 3 jours que j'étais partie de chez moi et mon chagrin ne s'estompait pas. Avais-je pris la bonne décision? J'avais froid, j'avais peur. Chaque bruit que j'entendais ressemblait à la voix de mon père, chaque ombre le représentait. Je ne cessais de marcher mais il n'y avait personne. Si je n'avais pas pris un peu de nourriture je mourrais surement de faim et de soif. Plus le temps passait, plus j'avais l'impression de n'avoir pas pris la bonne décision. Et ce sabre... Ce sabre qui avait aujourd'hui perdu son maitre comme moi j'avais perdu mon père, soulevait une totale interrogation pour moi. Qui était vraiment mon père? Un ex-général d'après ce qu'il m'avait dit, mais je voulais en savoir plus. 

    Je sortis le katana de son fourreau et le regardai une fois de plus. Puis je le posai et commençais à regarder les motifs du fourreau. Un dragon et un tigre. Pourquoi ces deux animaux me semblaient si familier? Il y avait quelque chose. Quelque chose dont ma mémoire ne voulait pas me donner la réponse mais qui était bien là. Pourquoi ne m'avait-il pas laissé une lettre pour me dire qu'est-ce qu'il attendait de moi? Peut-être qu'il l'avait remis à ce jeune médecin mais que celui-ci avait oublié de me la donner? Non, et de toute façon il était désormais trop tard. Maintenant je devais continuer. Continuer avec ce sabre.

    Au moment où je remettais la lame dans son fourreau, un bruit de papier qu'on écrasait se fit entendre.

    Est-il possible que? 

    Remplie d'une excitation nouvelle, j'essayais de rentrer ma main dans l'étui mais elle était bien sur trop grosse. Je cherchais alors un bâton assez fin pour entrer et en trouvais un quelques mètres plus loin. Il était un peu tordu mais ferait très bien l'affaire avec sa longueur. En faisant bien attention à ne pas enfoncer encore plus le bout de ce que j'imaginais être du papier, j'enfonçais le bâton dans l'étui de mon sabre et par je ne sais quel miracle j'arrivais à remonter le papier. 

    Mes mains tremblèrent lorsque j'ouvris le bout de papier plié en quatre. La première choses que je vis était l'encre noir utilisé, puis je pu discerner des mots, et après des phrases. C'était son écriture, l'écriture de mon père. Coller à ce bout de papier se trouvait un pendentif de forme ronde avec des armoiries à l'intérieur. Je détachais le pendentif et le regardais de plus près, mais c'était un bijou trop vieux pour que je puisse en discerner davantage. 

    Je commençais alors à lire la lettre, espérant trouver des réponses.

     

    Ma chère fille,

    quand tu liras cette lettre, je ne serais plus de ce monde. Tu dois d'ailleurs te poser mille et une question, qui seront malheureusement sans réponse de ma part. Sache ma fille que je suis désolé de te quitter si tôt, mais je sais que tu te débrouilleras très bien sans moi. 

    J'aurais, mon enfant, une dernière requête: avec cette lettre et ce sabre il y a un pendentif. J'aimerais que tu l'apportes à l'Empereur. Cet Empereur qui m'a accueilli les bras ouvert alors que je n'étais qu'un enfant. Cet Empereur que j'ai servi au court de ma vie. Cet Empereur que j'ai abandonné de honte. 

    Il y a beaucoup de choses que je regrette, beaucoup de choses que j'aurais voulu changer mais il était déjà trop tard. Tu es jeune ma fille. Tu as le monde devant toi. Tu as le choix. Fais ce que tu as envie de faire, n'hésite pas sur des choses inutiles, fonce tout simplement. Je suis et serais toujours fier de toi. 

    Ton père. 

     

    Les larmes aux yeux, je relus les dernières lignes. Encore et encore. Puis je relus entièrement la lettre et je m'arrêtais à la ligne que je cherchais: " j'aimerais que tu l'apportes à l'Empereur ". Ainsi donc, ma première mission était d'apporter ce pendentif à l'Empereur. Le fait que mon voyage avait, tout d'un coup, un vrai but me motiva pour continuer. Je détachais mon propre collier et insérais le pendentif dedans avant de le remettre. Comme ça j'étais sûre de ne pas le perdre. 

    Et maintenant, et plus que jamais, en route vers la capitale!

     

    * * * 

    Trois jours de marches plus tard, vers la fin de l'après-midi, j'atterrissais dans un petit village au bord d'une rivière. Je ne savais pas vraiment si je m'étais approchée ou éloignée de la capitale mais j'étais bien décidée à trouver quelqu'un dans ce village qui y allait en charrette! Six jours en tout que j'étais partie de chez moi et je devais dire que si mon père ne m'avait pas confier une mission, j'aurais sérieusement hésité à revenir sur mes pas. 

    Non Hanae, ne te décourage pas. Tu vas trouver quelqu'un qui t'emmènera à la capitale et tout se passera bien.

    Plus facile à dire que à croire. Mes jambes n'étaient que coton et mon estomac criait famine. Quand j'arrivais dans le village, celui-ci me semblait désert. Aucun bruit ne perturbait les murmures de la nature. Plus je m'avançais, plus j'avais l'impression que j'avais atterrie dans village abandonnée.

    - Eh Oh! Il y a quelqu'un? Criais-je au bout d'un moment.

    C'était étrange... ce village avait été habité il n'y a pas si longtemps, plein de signes le prouvaient, comme ce seau à moitié remplie d'eau laissé devant la porte d'une maison, ou ces draps pendues dehors pour qu'ils sèchent. C'était comme si le temps s'était figé. 

    - Eh Oh! Continuais-je à crier.

    Et c'est là que je l'entendis. Un petit murmure provenant d'une maison en bois plus usé que les autres dont la porte avait été laissé ouverte. Je mis aventurais lentement, une main posée sur le sabre de mon père. À l'entrée de la chaumière, je m'arrêtais, attendant que les murmures reprennent. 

    - Viens mon enfant, n'aie pas peur. 

    C'était une voix de vieille femme qui provenait d'une pièce au fond de la maison. Je m'aventurais dans la maison, marchais jusque le fond de la bâtisse et vis, comme je m'y attendais, une dame âgée allongée sur un futon abîmé.

    - Je ne vais pas te manger, approche que je vois ton visage. Ah je te vois bien maintenant! Comme tu es jolie, d'une rare beauté à vrai dire.

    La vieille dame toussa et je m'agenouillai à côté d'elle.

    - Vous allez bien?

    - Ne t'inquiète pas ma jolie, c'est l'âge. D'ailleurs tu as l'air en moins bon état que moi. Va dans la pièce à côté, tu trouveras de l'eau et du riz. 

    Comme elle me l'avait demandé, j'allais dans la pièce à côté qui était en faite une cuisine et je préparais deux bols de riz ainsi que deux verres remplies d'eau, puis je revenais vers la vieille dame.

    - Tu es gentille. 

    Elle se releva un peu et nous mangeâmes dans le silence. C'était un étrange repas, une étrange maison et une bien étrange dame.

    - Pose ta question ma petite, dit-elle soudainement, elle te brûle les lèvres.

    - Eh bien... Où sont partis les autres villageois? On dirait qu'il n'y a plus personne ici... appart vous. 

    - Oui je suis seule dans ce village. Les hommes du village sont partis se battre dans le sud du pays, et les femmes arpentent les villes voisines, et même la capitale, à la recherche de travail pour nourrir leur famille car sans hommes, la vie est bien difficile. Moi j'ai choisi de rester ici dans l'attente de voir les autres revenir. Je me fais vieille et les voyages ne me conviennent plus.

    - Depuis combien de temps êtes-vous seule dans ce village?

    - Si ma mémoire est bien claire je dirais deux mois... mais peut-être est-ce deux ans.

    J'écarquillais les yeux. 

    Depuis si longtemps? Pensais-je. Mais comment a-t-elle fait, seule dans ce village? 

    - À moi désormais de te poser une question: Où cherches-tu as à aller, jeune enfant égaré? 

    Le regard de la vieille femme se posa sur mon sabre.

    - Je cherche à rejoindre la capitale et je me suis perdue en chemin. J'espérais trouvée ici une personne qui m'y conduirait ou, au moins, qui m'indiquerait le chemin. 

    La vieille femme sourit.

    - Désolée de te décevoir, il n'y a que moi.

    Le vieille femme continua à manger tandis que j'observais les lieux. 

    - La capitale se trouve à 3 jours en charrette d'ici si tu marches vers le sud-ouest, donc 5 jours à pieds sans s'arrêter. Malheureusement il ne reste aucun cheval pour t'y conduire mais tu peux te reposer au village le temps qu'il faudra. 

    - Je vous remercie, je pense que c'est ce que je vais faire pour reprendre un peu de force.

    La vieille femme hocha lentement la tête. 

    - Il y a une chambre en haut si tu veux. Elle est propre et confortable, je m'en assure moi même chaque jour. 

    Je compris alors que cette chambre appartenait à un membre de sa famille qui, elle l'espérait, reviendrait d'ici peu. 

    - Maintenant si ça ne te dérange pas, je vais faire un petit somme. Fais comme chez toi, même si cette maison ressemble plutôt à un tas déchet que à une vraie maison, dit-elle en riant.

    - Cette maison est parfaite, merci. 

    Et je me retirai de la chambre de la vieille dame dont j'ignorais le nom. Je m'aventurai dans l'étage supérieur et trouvai la fameuse chambre que mon hôte m'avait décrit. Elle était, à vrai dire, bien plus propre que les autres pièces avec ces meubles de bois ciré et ces draps propres, et je commençais vraiment à croire que ça ne faisait pas deux mois que les habitants étaient partis mais vraiment deux ans. Je posais mes quelques affaires dans un coin de la chambre, me déshabillais de tout habit trop lourd et m'allongeai dans ce futon avec ces draps fraichement lavé pour m'endormir la seconde d'après.

     

    * * * 

    Lorsque je me réveillais, le nouveau jour était arrivé. Le soleil inondait de sa lumière la chambre que l'on m'avait attribuée et je me levais lentement. Ça faisait déjà deux jours que j'étais arrivée dans ce village. Combien de temps allais-je encore resté? Il fallait que je reparte bientôt, je le savais.

    - Tu es debout mon enfant? Cria une voix chevrotante provenant de l'étage du bas.

    - Oui, J'arrive!

    Je descendis et m'inclinais devant mon hôte:

    - Je vous remercie sincèrement de votre accueil, malheureusement j'ai décidé de repartir demain. J'ai une mission et je dois la remplir. 

    La vieille femme sourit.

    - Repart quand tu veux mon enfant, tu n'es pas prisonnière ici. 

    Je refis une courbette de remerciement.

    - Par contre j'aurais besoin de toi aujourd'hui, reprit-elle en regardant autour d'elle, cette maison à bien besoin d'un bon coup de nettoyage. Accepterais-tu de m'aider? 

    - Avec grand plaisir.

    Et me voila partie pour quelques heures de nettoyage: je secouai les draps et les coussins dehors, pris la poussière qui s'étendait sur le sol, lavai les bols et verres dans rivière et à la fin la maison ne ressemblait plus du tout à ce que j'avais connu: elle était propre et lumineuse. La vieille femme était d'une extrême gentillesse, nous avions bien bavardé pendant que nous nettoyions la maison et elle m'avait raconté toutes les anecdotes de la capitale et de la famille Impérial qu'elle connaissait. Elle était d'ailleurs bien étonnée du fait que je ne connaissais pas tout cela. 

    À l'heure du repas du soir, après une longue journée de nettoyage, la vieille dame me dit:

    - J'ai une bonne nouvelle pour toi: une lettre m'est arrivée par pigeon ce matin et explique que demain à l'aube des membres de ma famille rentrent au village. 

    Elle sourit, les larmes aux yeux tout en me montrant une lettre qu'elle avait gardé précieusement dans sa poche, puis elle continua:

    - Ils ont une charrette et justement mon petit-fils se dirige vers la capitale après avoir déposé sa mère et sa petite soeur. Je pense qu'il sera d'accord pour te prendre avec. 

    Je souris.

    - Merci beaucoup je vous suis très reconnaissante!

    - Ne me remercie pas, c'est tout à fait normal. Je te conseille d'aller te coucher tôt ce soir, je viendrais te réveiller demain.

     

    * * *

     

    À mon réveil, j'entendais plus d'agitation que d'habitude à l'étage du bas. 

    Ils sont arrivés! Pensais-je.

    Je m'apprêtais vite fait, peignais mes cheveux auburn et je descendis lentement les escaliers.

    - Elle est très gentille tu verras, Zenko.

    - Es-tu sûr que nous pouvons lui faire Okaasan? Demanda une autre femme.

    - Je l'aurais déjà chassé de chez moi si j'avais sentie quelque chose de mal chez elle. Vous pouvez lui faire confiance.

    - Si tu le dis Okaasan, j'accepte. Zenko, conduis-toi bien avec cette jeune fille. 

    Je descendis lourdement les dernières marches pour me faire entendre et me montrai aux yeux de tous.

    - Hanae! J'allais justement te réveiller, me dit la vieille femme. 

    Je m'inclinais et dis:

    - Je ne vous remerciais jamais assez de votre hospitalité.

    Puis je me retournais vers les deux autres personnes: une femme d'une quarantaine d'année habillée d'un magnifique kimono rouge et ces cheveux châtains relevé en un chignon et un jeune homme de grande taille qui ressemblait fortement à la femme.

    - Je vous remercie d'accepter ma présence dans votre charrette et je vous assure que vous pouvez me faire confiance.

    La femme au chignon parut embarrasser: en effet mes dernières paroles laissaient entendre que j'avais entendue une partie de leur conversation.

    - Relève toi mon enfant, dit-elle. Merci de t'être occupé de ma mère. Zenko partira vers la capitale dans une demi-heure, voudrais-tu partager un dernier repas en notre compagnie?

    J'acceptais. Nous nous installâmes dans la salle à manger et la femme au chignon prépara quatre bols de thé ainsi que du riz aux algues séchées.

    - Je suis désolée, ce n'est pas un petit-déjeuner que l'on sert habituellement à ces invités mais c'est tout ce qui reste.

    - C'est parfait ne vous inquiétez pas, répondis-je en prenant mes baguettes. 

    - La petite s'est endormie, elle ne prendra pas de petit déjeuner tout de suite, dit-elle à l'intention de la vieille femme, puis elle se retourna vers moi. Puis-je savoir ce que vous allez faire à la capitale? Avez-vous de la famille là-bas?

    - Non je n'ai pas de famille. Je dois remettre quelque chose à l'Empereur de la part de mon père, et j'avoue que, à titre personnel, la capitale m'attire beaucoup.

    La femme et le jeune homme me regardèrent avec des yeux ronds.

    - L'Empereur dis-tu! Ton père doit être un homme de très haut placé.

    Je souris. Mon père était un homme très haut placé, mais inutile d'attirer de la pitié. 

    - Tu verras, continua-t-elle, la capitale est magnifique! Tous ces temples, cette ambiance! Il est impossible que vous ne soyez pas charmé. 

    Nous finîmes de manger dans une bonne ambiance et à l'heure du départ je remerciais chaleureusement mon hôte et sa fille et je m'en allais prendre la route avec ce fameux Zenko. Celui-ci ressemblait beaucoup à sa mère mais son caractère me semblait être son opposé. Sa mère était assez enjoué et bavardait sans s'arrêter, tandis que lui n'avait pas prononcer un mot de tout le repas. Ses yeux regardaient fixement l'horizon, comme si rien d'autre ne l'intéressait. C'était quelqu'un d'intimidant qui devait n'avoir que deux ans de plus que moi. 

    Après de grand signes d'au revoir, je me retournais vers l'horizon, moi aussi. Un espace vert s'étendait devant moi. Puis je me mis à penser à ses deux femmes: la mère et la fille dont je n'avais aucune idée du nom. Elles avaient été vraiment gentilles avec moi, une inconnue, et je ne les remercierais jamais assez. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si je n'étais pas tombé sur ce village.

    Comme quoi, pensais-je, les rencontrer faisait partie de mon destin!

    - Tu souris toujours toute seule? Dit une voix grave à mes côtés.

    - Pardon? Demandais-je en me retournant vers Zenko. 

    - Rien. Si tu veux dormir, c'est le moment, ajouta-t-il simplement.

    J'hochais la tête et fermais mes yeux.

    Cette fois j'étais bel et bien en route vers la capitale de notre bel Empire!

     

     


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